Photographie par Myriam Ménard, tous droits réservés.

Presque dix ans après sa mort, Sarah Kane est toujours vivante. Son œuvre, composée de cinq pièces, est jouée partout dans le monde, de l’Amérique du Sud à l’Europe de l’Est, dans les grands théâtres comme dans les petits. Si sa voix résonne toujours depuis la mort, c’est sans doute que ses paroles ne font pas que s’entendre, mais se gravent à même la peau de ceux et celles qui les reçoivent. Et plutôt que d’endurer la souffrance de les effacer — à la brosse de métal peut-être, comme le fait Marcia dans le dos de Billy (voir Skin, 1995) —, on choisit de graver à même ces marques notre propre voix, comme Kane a tiré de ses plaies sa vindicative écriture. Sarah Kane mourra quand ses écrits laisseront indifférents. Quand le malaise s’estompera, quand tous seront sourds à son cynisme décapant, aveugles à son réalisme cruellement humain, son corps (et peut-être aussi le nôtre) redeviendra poussière.

Pour que la vie continue, 13 étudiants et étudiantes des cycles supérieurs des études littéraires de l’UQAM ont choisi de désengager leur tête pour littéralement mettre leur corps à l’œuvre des textes de Kane, afin de produire pour elle un Requiem. Sous la direction d’Aglaïa Romanovskaia, illes la ressuscitent encore une fois pour honorer son regard lucide sur le monde d’aujourd’hui, pour se sentir en vie à travers sa mort et pour lui laisser, comme en offrande, une partie d’elleux-mêmes. Que peut signifier jouer Sarah Kane lorsque l’on n'est pas interprète de formation? Y a-t-il un risque de ne pas en sortir indemne? Il est fort à parier que ce risque est grand, mais sûrement moindre que celui d’être, à force du temps, immunisé-e contre les horreurs de la vie et de la violence quotidienne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.


Achetez vos billets dès maintenant!